Le chant des Indiens d'Amérique du Nord
Jadis nous étions heureux dans notre pays
et nous avions rarement faim
car en ce temps-là les bipèdes et les quadrupèdes
vivaient ensemble comme les membres d'une même famille,
et il y avait abondance pour eux et pour nous.
Mais les Wasichous sont venus et ils ont fait
de petites îles pour nous
et d'autres petites îles pour les quadrupèdes,
et ces îles sont devenues de plus en plus petites,
tandis qu'autour d'elles surgissait le flot rugissant des Wasichous.
Et c'est tout sale de mensonge et de cupidité.
(Elan Noir Parle. Le Mail 1987).
Comprendre la musique indienne est difficile si l'on ne connaît ou ne comprend rien de leur culture, de leur mode de vie et de leurs croyances. Le chant, la danse et le son du tambour ou de la flûte sont indissociables de toutes les activités sociales profanes ou religieuses du groupe. La musique est l'expression des liens qui unissent l'homme à son environnement, la nature, les animaux, les esprits, les autres Indiens, le soleil, le vent... etc. Elle est moyen de communication entre les hommes mais aussi entre eux et les esprits ou êtres sacrés.
Remercier avec le chant, prier avec les pieds.
Nathalie Curtis écrivait dans The Indian's Book : "Tous les chants ne sont pas religieux, mais il n'est guère de tâche, facile ou difficile, guère d'événement, important ou ordinaire qui n'ait une chanson correspondante. Dans presque tout mythe indien, le créateur chante les choses de la vie. Pour l'Indien, la vérité, la tradition, l'histoire et la pensée sont préservées dans le rituel de poésie et de chant. Les chants de l'homme rouge recueillent les enseignements de ses sages, les exploits de ses héros, les dires de ses prophètes, et le culte de son Dieu".
Les chants sont composés par les Indiens ou leur apparaissent dans des rêves et des visions. Les premiers sont composés pour le plaisir ou pour se donner du courage à la chasse ou au combat. Ou encore pour exprimer ses sentiments ou son appartenance à une des sociétés. Les autres chants viennent de Wakan tanka, ils sont sacrés, ils appartiennent à celui qui a reçu la vision mais celui-ci peut l'apprendre aux autres.
La danse est la "prière des pieds" (cfr. Jean Pictet « Les fils du Grand Esprit » Favre 1990), qui relie l'homme aux dieux et aux ancêtres mythiques. Toutes les danses ont un caractère sacré, elles sont une prière, une façon de demander protection, victoire, chance à la chasse. Une façon de remercier en célébrant une chasse fructueuse ou une victoire sur l'ennemi. Lorsque les missionnaires commencèrent à interdire les danses à cause de leur caractère sacré (associé à des "rites barbares" et des "pactes avec le démon"), les Indiens perdirent encore un de leurs moyens de vivre, la danse ayant toujours un côté social, politique et religieux et non simplement récréatif.
Vous chantez comme un coyote
Toute danse est accompagnée de chant, l'un et l'autre étant inséparables. Les Indiens chantent souvent haut, avec une voix de falsetto, utilisant des trilles ou trémolos. C'est de cette manière qu'ils aiment chanter, la plus proche du monde des esprits qui est aussi le vrai monde des chants. Ce chant a souvent été qualifié de "sauvage" par les Blancs. Il n'est que naturel qu'il comporte des éléments du monde sauvage puisque ses principales sources d'inspiration sont les animaux, le vent, les oiseaux, etc. Lors du passage d'une troupe de danseurs indiens en Europe, au début du siècle, ils assistèrent au concert d'une célèbre soprano, à Paris. Un des Indiens voulut lui exprimer son admiration et lui dit par interprète interposé : "vous avez une très belle voix, on dirait celle d'un coyote". C'était pour lui le plus beau compliment qu'il puisse lui faire.
Les chants ont peu de paroles, quelques syllabes ou vocables dépourvus de sens sont utilisés pour porter la mélodie, celle-ci étant l'élément le plus important. Les Indiens peuvent d'ailleurs dire de quel type de chant il s'agit rien que par l'air et le rythme. Quand certains mots sont utilisés, ils ont beaucoup d'importance et un seul mot peut être le symbole de toute une pensée qui dans notre langue demanderait une phrase entière. Un Indien à qui on demandait ce qu'il pensait des chants de l'homme blanc, aurait répondu : "ils parlent trop".
L'important est ce que le chant tout entier et la voix expriment, les mots ne sont qu'un complément. Un Indien qui chante le jour qui se lève, par un petit matin où la lumière commence à se répandre sur la prairie froide et gelée, chantera peut-être longtemps mais le chant dira simplement : "le jour pointe, regardez-le".
Les rythmes peuvent changer plusieurs fois pendant le même chant; celui du tambour n'étant d'ailleurs pas synchronisé avec celui du chant lui-même. Alice Fletcher l'expliquait, en disant que le "beat" de la frappe du tambour dirigeait les mouvements du corps tandis que les voix menaient l'émotion de la prière. Le chant étant souvent considéré comme une prière. Les Indiens d'ailleurs ne chantent jamais pour plaire à une audience mais pour le plaisir d'une participation collective.
La plupart des chants étant très courts, ils sont répétés un certain nombre de fois. Ceux de cérémonie sont en général chantés quatre fois à chaque occasion et doivent être interprétés de façon absolument correcte. Ils sont chantés à pleine force parce que les Indiens expriment la ferveur de leurs émotions. Les chants magiques ou en relation avec les pratiques religieuses ou médicales appartiennent à la cérémonie qu'ils accompagnent et sont transférés avec elle comme en faisant partie intégrante. Ce genre de chant peut véhiculer tout le pouvoir d'un homme ou d'une médecine. On raconte, par exemple, que Sitting Bull, qui était également un voyant guérisseur, sauva sa tribu un jour où les Crows avaient mis le feu à la prairie autour de leur camp. Sitting Bull fit une brève cérémonie, chanta un chant sacré et fit appel à une médecine (un sac contenant des herbes ou des pierres, un morceau d'étoffe, etc). Aussitôt, une forte tempête se déchaîna, qui stoppa le feu et mis les Crows en fuite.
Tambour et pow wow
Le tambour est un instrument sacré, unificateur, c'est pourquoi on chante en cercle autour de lui. Il est le symbole de la terre qu'il relie aux chanteurs. La frappe est le battement de cœur de la terre autant que celui de la communauté. Les hommes qui jouent le tambour bénéficient de ce lien pour être en contact avec la terre qui représente l'élément féminin, mère et femme; c'est pourquoi, en général, les femmes ne jouent pas le tambour.
Le Pow-Wow est un rassemblement intertribal des différentes nations indiennes d'Amérique du Nord. Le mot pau wau signifiait à l'origine "Homme médecine" ou faisait référence aux séances tenues par celui-ci. L'appellation désigne aujourd'hui ces immenses réunions dont le but est de danser et de célébrer les cultures indiennes....